Electrification rurale en Afrique : comment développer les mini-réseaux solaires

Les mini-réseaux électriques solaires permettent l’électrification rurale en Afrique. Mais il est nécessaire d’adapter la demande à la production en énergie sous peine de voir les mini-réseaux solaires non rentables. La solution : encourager les usages productifs de l’électricité, facteurs de développement économique.

Une électrification rurale nécessaire en Afrique

Le développement économique de l’Afrique passe par l’électrification rurale. En effet, les activités industrielles, commerciales ou agricoles, appelées aussi « usages productifs », qui consomment de l’énergie, sont génératrices de revenus et donc d’emplois.

En Afrique rurale, l’électrification passe par les mini-réseaux électriques. Or la viabilité financière des mini-réseaux passe par une demande en énergie suffisante, selon une étude intitulée Productive use og energy in African micro-grids : technical and business considerations, réalisée par National Renewable Energy Laboratory, le laboratoire de recherche américain sur les énergies renouvelables, et par Energy 4 Impact, une ONG (Organisation Non Gouvernementale) anglaise qui soutient l’accès à l’énergie en Afrique. La demande d’électricité de la petite industrie et des entreprises, définie comme l’utilisation productive de l’énergie (PUE), est un facteur-clé de succès pour les micro-réseaux.

La difficulté est aussi d’évaluer et d’anticiper la future consommation d’électricité afin de bien dimensionner les mini-réseaux électriques (on parle dans cet article uniquement des mini-réseaux fonctionnant à l’énergie solaire). Ensuite, production et demande d’électricité doivent s’équilibrer tout au long de la journée. La production d’énergie solaire étant la plus forte en milieu de journée, il est préférable que la consommation se fasse en journée.

Il faut donc encourager les usages productifs de l’électricité car la consommation des ménages reste faible et se fait plutôt le soir. D’autant plus que, selon le rapport Promoting productive use of electricity de la Banque mondiale de juin 2019, accroître les usages productifs permet une baisse du coût de l’électricité. Ce fait soulève une autre problématique : proposer des tarifs accessibles aux clients tout en garantissant un retour sur investissement minimum pour le mini-réseau.

Encourager les usages productifs pour pérenniser l’électrification rurale en Afrique

Les usages productifs sont réalisés par des petites entreprises locales (activités artisanales de soudure, charpenterie, épiceries, maquis, coiffeurs, etc.) ou des clients plus importants, comme des lodges pour touristes, des fermes de fleurs, des petites usines, des banques, etc. Ces derniers sont plus limités en zones rurales, mais plus exigents sur la qualité de l’électricité.

Selon Energy 4 impact, il n’y a pas de modèle économique idéal pour développer les usages productifs. Les facteurs clés de succès sont :

  • Se concentrer sur les besoins des entrepreneurs,
  • Se concentrer sur les chaînes de valeur existantes et accroître leur productivité,
  • Sensibilisation, assistance commerciale et formation des entrepreneurs,
  • Accès aux financements des équipements productifs,
  • Gestion optimale de la demande pour assurer le pic de fonctionnement aux heures de pointe du soleil.

Pour permettre aux entrepreneurs d’acquérir des équipements électriques (par exemple scie sauteuse pour un charpentier, outil de soudure pour un soudeur, congélateur pour un épicier, réfrigérateur pour un maquis ou un coiffeur, etc.), il est nécessaire de leur procurer un système de financement par emprunt remboursable en quelques mois grâce aux revenus complémentaires générés et/ou de leur octroyer des subventions.

En Tanzanie, Energy 4 impact a aidé 349 entrepreneurs, dont 40 % de femmes (Article : Comment développer le potentiel des femmes entrepreneures en Afrique de l’Ouest), dans 39 villages récemment électrifiés à acquérir des appareils productifs : formations techniques, coaching managérial, aides à la commercialisation, etc. Ils n’ont reçu aucune subvention, seulement de la love money. Résultats : la rentabilité a augmenté de 87 % et 214 emplois permanents ont été créés.

Batteries solaires à Madjamakou en Afrique

Instaurer une maîtrise de la demande en énergie

La problématique des mini-réseaux solaires est d’adapter la consommation d’électricité à la production d’électricité. En Afrique, la MDE (Maîtrise de la Demande en Energie) consiste en la planification, la mise en œuvre et le suivi des « usages productifs » pour encourager (et parfois forcer) les clients à modifier leurs habitudes de consommation d’électricité, en ce qui concerne le temps d’utilisation, les niveaux de consommation de pointe et la consommation d’énergie globale.

Un équilibre à trouver entre demande et offre d’énergie

Une forte demande peut dépasser la capacité de production, provoquer des pannes de courant et conduire à l’insatisfaction des clients. L’investissement pour générer davantage d’électricité et stocker l’énergie peut être nécessaire pour répondre à une demande croissante.

Au contraire, une faible demande signifie une sous-utilisation des réseaux. L’énergie est gaspillée si la capacité de stockage de la batterie est pleine, ce qui signifie moins de revenus générés que prévu et un faible retour sur investissement pour le mini-réseau.

L’objectif de la MDE est de gérer la charge d’un mini-réseau mais :

  1. Sans avoir besoin d’acheter des actifs de production supplémentaires (par ex. panneaux solaires)
  2. Sans faire appel au diesel

Il n’existe pas d’approche universelle de la MDE. Différentes stratégies doivent être employées selon les circonstances.

Les différents scénarios de la maîtrise en demande d’énergie

Pics : périodes de forte demande qui dépassent la capacité de production du mini-réseau, qui entraînent des pannes d’électricité ou de faible qualité. Les batteries de stockage sont mises à rude épreuve. La solution est de restreindre la consommation d’électricité pendant les pics.

Vallées : périodes de faible demande pendant lesquelles la capacité de stockage a atteint son plus haut niveau et l’électricité produite est gaspillée. Solution : stimuler la demande pendant ces périodes.

Décalage de la demande : les périodes de très forte demande ne coïncident pas avec les pics de production. La production est à son plus haut niveau en milieu de journée, tandis que la demande est la plus forte en soirée. Il est nécessaire d’investir dans des batteries de stockage ou des générateurs diesel. La solution est de décaler la demande en milieu de journée.

Demande excédentaire : la demande globale d’électricité est plus élevée que la production globale. Solution : réduire la consommation globale.

Fourniture excédentaire : l’approvisionnement global en électricité est supérieur à la demande. La rentabilité du mini-réseau est amoindrie. Solution : augmenter la consommation d’électricité.

Les stratégies à adopter pour contrôler la demande en énergie

Il existe huit principales stratégies adoptées par les fournisseurs d’énergie :

Quand la demande en énergie est trop forte :

  • Remplacer les appareils électriques trop consommateurs d’énergie par des appareils efficients,
  • Limiter la consommation des clients, en limitant leur capacité à certaines heures.

Quand la demande en énergie est trop faible :

  • Vendre de nouveaux appareils électriques efficaces aux ménages (radios, téléviseurs, ventilateurs, réfrigérateurs, etc.),
  • Vendre des appareils aux entreprises (tondeuses à cheveux, machines de soudage, outils électriques de fraisage / meulage, machines de traitement de la nourriture, etc.) afin de stimuler la demande tout au long de la journée,
  • Créer de nouvelles activités,
  • Eduquer les consommateurs aux avantages de l’électricité « responsable ».

Quand il y a un décalage de la demande :

  • Planifier les activités productives en journée quand la production est à son plus haut niveau. Solution : identifier les activités non dépendantes de l’heure à laquelle elles sont réalisées. Cela peut passer aussi par une augmentation des tarifs le soir quand la production est plus faible.

Dans tous les cas, on peut adapter les prix à la hausse ou à la baisse en fonction de l’état de la demande.

Consulter les prestations d’énergie solaire de Benoo 

 

Pour aller plus loin :

Article : Les réfrigérateurs et congélateurs solaires en Afrique : un fort potentiel économique
Article : Grâce au solaire, une usine agroalimentaire au Togo crée un écosystème vertueux

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